Quand le juge se lâche !

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Les décisions de justice drôles ne sont pas légion. 

Mais parfois, les juges font preuve de beaucoup de créativité

Et elle est généralement très remarquée! 

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1 – Quand la poule caquette (un peu trop fort)

Monsieur et Madame X habitent La Rochette, un Lieu-Dit situé dans le charmant petit village de Sallèdes dans le département du Puy de Dôme. 

A proximité du lieu d’habitation de Monsieur et Madame X se trouve un poulailler responsable de nuisances sonores (et olfactives) ! 

Fortement incommodé par le chant du coq (aux aurores tout de même, il faut pas pousser non plus!) et par les odeurs de graines (de nos jours, tout par à volo ma brave dame), Monsieur et Madame X décident de mandater leur Avocat pour régler ce problème une fois pour toute. 

Celui-ci a pris l’affaire très au sérieux mais c’était sans compter l’intervention du juge de la Cour d’Appel de Rioms (CA Rions, 7 septembre 1995). 

Voici son attendu, plein de compassion : 

“Attendu que la poule est un animal anodin et stupide, au point que nul n’est encore parvenu à le dresser, pas même un cirque chinois ; que son voisinage comporte beaucoup de silence, quelques tendres gloussements et des caquètements qui vont du joyeux (ponte d’un œuf) au serein (dégustation d’un ver de terre) en passant par l’affolé (vue d’un renard) ; que ce paisible voisinage n’a jamais incommodé que ceux qui, pour d’autres motifs, nourrissent du courroux à l’égard des propriétaires de ces gallinacés ; que la cour ne jugera pas que le bateau importune le marin, la farine le boulanger, le violon le chef d’orchestre, et la poule un habitant du lieu-dit La Rochette, village de Sallèdes (402 âmes) dans le département du Puy-de-Dôme”.

Très insultant pour les poules mais encore plus pour Monsieur et Madame X, qui poursuivront leur lutte jusque devant la Cour de cassation. 

2 – De quel organe il parle exactement ?

Entre deux pépites connues, voici les miennes, collectées au fil  de la gestion des contentieux : 

“A l’appui de ses prétentions, la Société X expose, par l’organe de son Conseil, avoir acheté du nitrate d’ammonium auprès de la Société Y “ 

3 – Tu regardes Secret Story ?

Quand le juge des référés (TGI Paris, 1er juin 2011, n° 11/53904) déteste la télé réalité, ça donne ça : 

“X et O sont deux intrépides aventuriers de la médiatisation télévisée ayant illustré les meilleures heures du programme de téléréalité intitulé par anti-phrase “Secret Story” (saison 3) où il n’y a ni secret ni histoire, mais cependant une observation des faits et gestes des jeunes gens qui y participent sous l’oeil des caméras, où le téléspectateur finit par s’attacher aux créatures qu’il contemple, comme l’entomologiste à l’insecte, l’émission ne cessant que lorsque l’ennui l’emporte, ce qui advient inéluctablement, comme une audience qui baisse.

Mais “Un seul être vous manque et tout est dépeuplé”, alors, sevrés du programme télé qui s’achève, les aficionados se ruent sur les gazettes, sûrs qu’elles sauront entretenir aussi durablement que possible le feuilleton du rien, passion toujours inassouvie des sociétés contemporaines. Les cobayes, trop heureux de voir quelques flashs qui crépitent encore, et désormais adeptes de l’exposition de soi, courent de l’une à l’autre, comme un canard sans tête, accordant interviews ou posant pour des photos.

Les publications que de telles moeurs font vivre s’en offusquent quand le ciel menace, et dénoncent quelquefois la règle du jeu, comme des enfants qui ergotent pour ne jamais se séparer.

C’est ainsi que le magazine Entrevue a publié dans son numéro 216 daté du mois de juillet 2010 un dossier intitulé “Comment X et O vendent leur vie privée” abondamment illustré par des images extraites d’une vidéo montrant les ébats intimes des deux intéressés, avec pour sous titre : “X et O réduits à faire une sex-tape.

L’indignation fut à son comble”.

Le reste de la décision vaut son pesant d’or! 

Tu peux la consulter sur Doctrine grâce à la référence suivante : TGI Paris, 1er juin 2011, n° 11/53904.

4 – Oui Monsieur le juge, c’est un gros montant…

Parfois le juge est choqué et insiste (un peu trop) sur le montant de la créance :

“Attendu que la Société X a abusivement attraite la Société Y aux fins de paiement de la faramineuse et imaginaire créance de (montant de la créance) ” 

5 – La daurade, une arme de choix

Nos amis belges ne sont pas en reste ! 

Cette affaire commence de manière plutôt banale puisque notre victime, Madame tout le monde,  descend au supermarché du coin pour faire quelques courses rapides. 

A la caisse réservée aux clients pressés,  elle s’impatiente. 

Elle constate que la femme qui la précède pose un nombre important d’articles sur le tapis. 

Essayant tant bien que mal de canaliser sa frustration, elle commence à compter :

1, 2, 3… 20 articles. 

Non mais là, ça va trop loin! 

La première remarque fuse. 

Puis, le ton monte entre les deux femmes. 

“Après 3 minutes de ce manège stérile”, constate le juge, la prévenue s’empare d’une daurade et frappe le visage de l’impatiente. 

 On peut noter ici la créativité de l’avocat de la défense qui ne manquera pas de faire remarquer que la daurade est un poisson plat.

Un coup de poisson ne serait donc pas de nature à causer une incapacité de travail.

Un peu comme une gifle, quoi! 

 “En 2000 ans, l’être humain n’a donc point changé”, écrira le juge.

“Merci en tout cas à Mme X d’avoir offert un si énorme fou-rire à la salle 12, ce fou-rire inextinguible qui s’est même emparé de Monsieur le Procureur du Roi habituellement plein de sérieux dans cet exercice si difficile de requérir pour des vétilles. Merci aux talents de comédien de son avocat qui a entretenu ce fou-rire en mimant le geste accompli par son irascible cliente. Dire qu’il m’a fallu 17 années d’études et 32 ans de pratique judiciaire pour connaitre ce moment.”

6 – Y’a mauvaise direction, Monsieur le juge!

Dans certains pays, la simplification des décisions de justice n’est pas encore au programme. 

Ce jour là, une chose est sûre, y’a eu mauvaise direction : 

“Qu’après avoir joint les deux dossiers, la Cour d’Appel de X va se prononcer par une décision de biffure au motif qu’il y a absence de consignation et pour le dossier Z, elle dit qu’il y a eu mauvaise direction. De ce fait, elle infirme l’oeuvre du premier jugement dans toutes ces dispositions” .

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